Société tu ne m’auras pas (1)

Je me rappelle très bien de ces discussions avec mon père fin des années 80, début des années 90. J’avais 15 ans et plus. Nous parlions politique. Nous parlions communisme. Assis sur le siège passager, je posais des questions à papa du type : « tu crois pas que l’Iran c’est fait pour le communisme ? Chez nous les gens ne sont pas si individualistes que ça ! »

Je rêvais de la fin de la guerre Iran-Irak. Je voulais la paix. Je n’avais que ça dans la bouche. Je ne comprenais pas encore bien le français. Le parler était pour moi un sacré effort. J’étais collégien. Je voyais le monde à travers le journal de 20h avec mon père. Mon monde était celui de mon histoire personnel, celle de ma famille mélangée à la Grande Histoire.

Je me rappelle la chute du mur de Berlin. Pour moi c’était la fin d’un monde. J’en voulais aux Russes d’avoir gâché cet idéal qui pour moi devait mettre fin à mon malheur personnel. Le communisme devait faire tomber le régime des Mollah, libérer le peuple iranien de ses malheurs et nous permettre de revenir au pays.

Je me rappelle assis avec des amis communistes iraniens autour d’une nappe devant la vieille TV à regarder le putsch de Moscou avec un certain espoir que tout n’était pas perdu que l’URSS pouvait revenir ! Même si ils étaient pitoyables, au moins ils pouvaient être une aide. Et puis cette fois-ci, ils avaient compris la leçon et les choses ne pouvaient que mieux se passer.

L’alcoolique, Boris Eltsine, a mis fin à ces espoirs.

Je faisais parti de la direction du Mouvement Jeunes Communistes quand ce logo a été réalisé par une agence de communication. A chaque fois que je le vois, je me dis : »Mais qu’est-ce qu’il nous a pris de choisir cette image qui n’est pas un logo ?! »
Le pitch de l’agence était : »un mouvement divers et multi couleurs qui sort du cadre sombre »

Alors, j’ai décidé d’adhérer au Mouvement des Jeunesses Communistes de France. Le soviétisme était mort. Il fallait sauver le communisme. Je voulais en être. J’étais en 3e.

Dès mon arrivée au lycée, j’ai participé à sa mis en grève. Je parlais un français approximatif. Je hurlais à travers un plot de chantier. Nous nous mettions en grève et partions à la manif’ à Paris. J’ai payé cette année de luttes révolutionnaires par un redoublement.

J’ai vendu des centaines de badges « Quelle connerie la guerre » contre la première guerre du Golfe. Parfois j’avais tellement les poches pleines de pièces de 10 frs que je ne pouvais pas marcher. Je distribuais des tracts à la première heure devant le lycée et finissais ma journée tard dans la nuit en graphitant « Stop à la guerre ». J’en suis tombé malade. Physiquement malade.

La fac fut militantisme et militantisme. Prise de parole en amphi, les manifestations de 1995, le « tous ensemble », la guéguerre débile avec les gauchistes, les totos et autres rebelles du dimanche… Je voulais que le monde change. Chaque jour était synonyme de distribution de tracts, de collage, de débats, d’initiatives, de manifestations. S’organiser pour oeuvrer pour un monde meilleur. Je vivais de ça. Je carburais à ça.

J’ai assumé des responsabilité dans les organisations communistes.

J’en ai vécu des histoires humaines fortes. La camaraderie, la chaleur humaine, le partage, le sentiment d’être chez soit.

Sentir chez soit quand on a été chassé de ses racines n’a pas de valeur.

Société tu ne m’auras pas (2)

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